Le réseau des acteurs de l'éducation

14.06.2022

 
Quand les enfants apprennent, ils acquièrent non seulement des connaissances, mais découvrent aussi des choses comme la dextérité, l'empathie ou le courage. Ils apprennent beaucoup de ces choses en dehors de l'école, et il est donc évident de concevoir l'éducation comme une tâche que se partagent de nombreux acteurs. Les paysages éducatifs permettent à ces acteurs de travailler en réseau. Un colloque organisé par éducation21 en a administré la preuve : de tels paysages éducatifs sont impérativement nécessaires, notamment dans la petite enfance.

Pour l’instant, il n’y a que 37 communes en Suisse qui disposent d'un paysage éducatif. Mais l’intérêt que l’on porte à ce modèle est grand, comme l’a révélé le premier colloque national Paysages éducatifs21 intitulé « Éducation et formation – aujourd'hui, demain, après-demain ! – Des réseaux solides pour un avenir durable » organisé par Paysages éducatifs21 et la HEP Berne : 350 personnes s'étaient inscrites, dont 60 de Suisse romande. « J'en ai entendu dire beaucoup de bien », « Nous aimerions en créer un nous-mêmes », « J'aimerais avoir une idée concrète de ce à quoi peut ressembler la coopération dans un paysage éducatif » - ce ne sont là que trois des innombrables déclarations des participants. La directrice d'éducation21, Klára Sokol, s'est réjouie de cet intérêt. Son organisation offre de nombreux services sur le sujet par le biais du point de contact « Paysages éducatifs21 » - y compris, depuis peu, des séances d’évaluation gratuites (voir encadré).

Comment les compétences de vie se développent-elles ?

Les enfants n'apprennent pas seulement à l'école ; à en croire des études, nous acquérons de 70 à 90 % de nos compétences dans des contextes informels ou non formels et seulement de 10 à 30 % de manière formelle. Même si ces données soulèvent des questions méthodologiques, il est indéniable que l'école ne peut pas prétendre être un lieu exclusif d'éducation. La famille et le groupe des tout-petits, le club de jeunes et le club sportif, l'Église et la bibliothèque, tous ces endroits sont eux aussi des lieux d'apprentissage importants. Les enseignants sont du même avis, ainsi que l'a souligné Dagmar Rösler, la présidente centrale de l’ECH, dans son discours de bienvenue à la conférence : « Les écoles sont tributaires de partenaires pour pouvoir répondre aux nombreuses attentes en matière d'éducation. Les paysages éducatifs forment des réseaux optimaux afin d'atteindre, en particulier, l'objectif de l'égalité des chances. ».

Dans la première des deux présentations principales du colloque, le professeur Martin Hafen (de l’Université des sciences appliquées et des arts de Lucerne) a approfondi cette idée. Il s'est concentré essentiellement sur les premières années de la vie, au cours desquelles sont jetées les bases d'une biographie éducative réussie. Il a opposé la conception de l'éducation réduite aux compétences cognitives, d’une part, à un large concept de « compétences de vie » - à un bouquet coloré de compétences interdisciplinaires telles que la compétence sociale, les attentes d'auto-efficacité, les compétences d'autorégulation, la compétence en matière de risque, la créativité, la compétence en matière de santé, les compétences motrices, les compétences linguistiques et l'intelligence cognitive, d’autre part. Le genre de facteurs qui favorisent l'acquisition de ces compétences par les jeunes enfants est certes trivial et ils ont été prouvés scientifiquement depuis longtemps – et, pourtant, on a trop souvent tendance à les ignorer. Il s'agit en l’occurrence de relations fiables et de proximité émotionnelle, d'un environnement stimulant et de la protection de sa propre créativité. Comme le déclare le professeur Hafen : « Les enfants apprennent tout en jouant sans contrainte. Leur jeu est intrinsèquement motivé et il n'a pas besoin d'une scolarisation précoce. » M. Hafen a instamment mis en garde contre la scolarisation de la petite enfance au moyen de programmes d'apprentissage.

Un tel programme correspond à une conception de l'éducation qui est bien vivante dans les paysages éducatifs – un modèle dont Martin Hafen a expressément fait l'éloge. En revanche, il n’a pas ménagé ses critiques à l’égard du système scolaire actuel – et a utilisé, pour les illustrer, le mot grec antique scholé, qui signifie muser, c'est-à-dire la liberté de faire ce qui plaît au cœur et à l'esprit. La sélection précoce, les devoirs à la maison, l'ignorance des talents ou l'accent unilatéral mis sur les matières cognitives (mathématiques, allemand, français) feraient obstacle à une éducation qui permette aux enfants de développer pleinement leurs capacités. Martin Hafen aimerait voir une école qui ouvre davantage la porte à des contenus d'apprentissage autodéterminés, qui laisse plus de temps à l'apprentissage par l'expérience et aux processus sociaux, qui autorise beaucoup plus d'exercices physiques, accorde plus d'attention aux points forts qu'aux points faibles et exerce moins de pression en termes de performances.

Les paysages éducatifs renforcent l'égalité des chances

Dr. Francine Pellaud, professeure à la Haute école pédagogique de Fribourg, a cherché des réponses à la question de savoir quelles sont les compétences que les enfants doivent acquérir pour contribuer au développement durable. L'oratrice a mis en exergue l'urgence de la situation en évoquant les menaces écologiques, qui seraient associées à d'énormes coûts sociaux et économiques. Mme Pellaud espère que les enfants qui vont maintenant à l'école réussiront à éviter ces menaces. Cela présuppose une éducation dans laquelle la promotion des aptitudes cognitives est intégrée au développement des compétences socio-émotionnelles. Mme Pellaud a également monté en épingle la nécessité d'un plus grand engagement de la part de toutes les parties prenantes dans la promotion de la petite enfance. Dans son discours de bienvenue, Élisabeth Baume-Schneider (coprésidente d'Alliance Enfance), Conseillère aux États, a précisé l'ampleur de ce besoin ; elle a fait allusion à un rapport de l'Unicef sur la politique de soutien des familles et des enfants dans 31 pays européens : la Suisse est classée dernière. Thomas Minder, président du Syndicat suisse des directrices et des directeurs d’établissements (VSLCH), a souligné l'importance de la mise en réseau des organisations dans le secteur de la petite enfance : « L’égalité des chances est primordiale pour que les enfants puissent grandir avec un ancrage stable et en bonne santé. Les paysages éducatifs permettent à toutes les classes sociales de participer à des activités pertinentes sur le plan éducatif. »

Aperçus de la pratique

Quinze ateliers ont donné des impulsions pour les paysages éducatifs existants et certains ont indiqué comment les paysages éducatifs fonctionnent dans la pratique. L'un de ces paysages éducatifs est « futurina », à Berne-Ouest, un quartier qui doit faire face à des défis sociaux croissants. Là-bas, par exemple, de trois à quatre fois plus d'enfants présentent des retards de développement. Stephanie Schär est une travailleuse de quartier et dirige « futurina » qui a vu le jour il y a six ans. Ses objectifs à l'époque étaient les suivants :

• Renforcement et systématisation de la coopération entre l'école, les familles et les organisations
• Accès facilité des enfants de 4 à 12 ans aux activités périscolaires
• Intégration des familles (isolées) par le biais d'offres de rencontre à bas seuil.

Les offres qui ont vu le jour depuis lors sont impressionnantes. Par exemple, la création d'un café des parents s'est avérée un grand succès : les personnes intéressées se réunissent une fois par semaine dans le bâtiment de l'école, invitées par deux parents à chaque fois. Un deuxième emplacement a déjà été mis en place. Dans le cadre du projet « Découverte du quartier », parents et enfants ont l'occasion de découvrir par le jeu les plus beaux endroits de Bümpliz et de Bethléem. « Nous avions remarqué que de nombreux parents ne connaissaient que la piscine en plein air et le centre commercial », explique Mme Schär. Pendant la pandémie de corona, l'offre était une occasion particulièrement bienvenue de sortir de ses quatre murs. Des cours de langue gratuits avec des bénévoles, des tandems linguistiques, des informations sur les écoles pour les locuteurs étrangers, une bourse d'échange de vêtements de sport, une table d'habitués pour les hommes, un site web avec un calendrier des événements - voilà d'autres offres. Stephanie Schär a mentionné différents facteurs de succès décisifs : une phase pilote a été financée grâce au soutien des milieux politiques, puis le transfert vers une exploitation régulière à long terme à partir de 2019 a été réussi. Le développement prend du temps et le groupe de pilotage, la gestion de projet et les groupes de travail font partie intégrante de la structure actuelle. Un expert a accompagné ce processus. L'école est également un partenaire important pour le travailleur de proximité. La coopération avec l'école et les autres acteurs est assurée dans le cadre de réunions de réseau régulières. Les parents sont consciemment impliqués de manière participative par le biais de la médiation interculturelle.

L'un des objectifs des paysages éducatifs est de promouvoir les compétences avec lesquelles les enfants peuvent contribuer à façonner une société durable. Trois jeux ont été présentés dans le cadre d'un deuxième atelier d'éducation21, jeux qui permettent d'examiner ses propres valeurs et contextes systémiques.

• Dans le jeu « Les ficelles de mon assiette », les enfants peuvent expliquer et relier de manière ludique des termes tels que « camion », « chocolat », « publicité », « Allassane, producteur de cacao », « pétrole », etc.
• « Qu'est-ce que le courage moral ? » présente aux joueurs quatre façons de réagir face à des situations difficiles. « Qu’est-ce que c’était encore cette passe de gay ? », crie quelqu'un. Est-ce que vous dites à haute voix : « Ce genre de vocabulaire n'a pas sa place ici » ? Ou bien quelque chose d'autre ? (Ce jeu est seulement disponible en allemand.)
• Avec le Mystery, il s'agit de trier, selon leur teneur, de courtes déclarations sur la vie d'un T-shirt, par exemple, et de vérifier leur pertinence par rapport à une question posée.

Vers la documentation complète du colloque

www.education21.ch/fr/paysages-educatifs21

www.futurina.ch